Le volet 1 (WP1)

La collecte de données qualitatives (travail sur le terrain et archivage) s’appuie sur deux campagnes ethnographiques précédentes (2010, 2012).

Le travail sur le terrain fournit des informations supplémentaires sur la période postérieure à 2010, au cours de laquelle des changements socio-économiques et culturels majeurs ont été observés, les sous-ensembles territoriaux contrastés (zone urbaine et marine au sud, zone touristique au nord, diversité de l’exposition aux symptômes d’eutrophisation), et l’évolution des relations entre les professionnel.les de l’agriculture, les autorités locales et la protection de l’environnement de 1945 à nos jours, avec une approche comparative dans 3 baies affectées (Baie de Douarnenez, Horn-Guillec et La Fresnaye) pour la thèse de sociologie d’Alban Landré.

Les corpus de données qualitatives qui en résultent seront mis à disposition de l’ensemble de l’équipe scientifique. Les archives et les récits oraux sur l’eutrophisation alimenteront par exemple directement l’analyse rétrospective des occurrences de marées vertes, et fourniront à l’EPAB ainsi qu’à l’ensemble des gestionnaires une synthèse de la question toujours controversée des conditions à l’origine de leur apparition. Deuxièmement, des entretiens approfondis et des observations participantes avec des agriculteurs et des ONG locales soutiendront la tâche 2.1.

Des entretiens semi-structurés, l’observation et l’analyse rétrospective des conflits et des mouvements sociaux associés aux réorganisations du système socio-écologique de la baie de Douarnenez sont réalisés.

Une attention particulière est accordée aux mouvements émergeant après 2010 qui: 1. défendent la santé environnementale à partir d’une attention à la qualité des eaux côtières, et mettent en relation la dégradation de l’environnement et la dégradation de la qualité de l’eau; 2. relient la dégradation de l’environnement aux inégalités sociales; 3. plaident pour une transition vers une agriculture durable.

Cette approche est progressivement étendue au niveau régional, en particulier par le recueil et la diffusion de témoignages de protagonistes historiquement impliqués dans les luttes environnementales liées aux marées vertes, qui serviront d’outils de médiation pour le débat public, mais également par une reconstitution participative de l’histoire des mobilisations contre les marées vertes.
L’analyse rétrospective des mouvements et des conflits socio-environnementaux liés à l’état des baies fournira du matériel pour une analyse interdisciplinaire des dynamiques d’institutionnalisation en relation avec les questions de connaissance et de légitimité dans la gouvernance de l’eutrophisation.

Peu d’éléments sont connus sur l’évolution des relations entre les habitant·es et les activités agricoles en Bretagne, que ce soit :

  • Leur familiarité avec les systèmes agricoles ou les professionnel·les du secteur, en particulier les agriculteurs et agricultrices,
  • Leur compréhension de la nature, de l’ampleur et du sens des transformations agricoles d’ampleur qu’a connu la région depuis les années 1960,
  • La façon dont l’expérience quotidienne ou la médiatisation des problèmes environnementaux, en particulier la qualité de l’eau, influence les pratiques et les attentes des habitant·es vis-à-vis de l’agriculture.

L’objet de ce travail est de concevoir et de mettre en œuvre un dispositif d’enquête sociologique par le biais d’un questionnaire, qui pourrait être utilisé de manière périodique pour évaluer qualitativement et quantitativement les pratiques, relations et regards des habitant·es sur les activités agricoles, ainsi que leurs variations dans le temps et dans l’espace. L’enquête « L’agriculture et nous », menée conjointement par les équipes des projets FIL-AV et GreenSeas, est, dans un premier temps, expérimentée dans deux territoires de l’eau volontaires, qui participeront à sa conception et à sa mise en œuvre sur la période 2025-2026. Le territoire de la baie de Douarnenez a été choisi dans la continuité des projets de recherche collaborative historiquement menés sur ce territoire, dont GreenSeas. Un partenariat avec l’Établissement public d’aménagement et de gestion de la baie de Douarnenez (EPAB) facilite le contact avec les personnes volontaires pour co-construire l’enquête. Un deuxième territoire sera choisi avec le soutien de l’Assemblée permanente des présidents de Commissions locales de l’eau de Bretagne (APPCB) sur des critères de taille, d’intérêt porté au projet, ainsi que d’exposition au phénomène de l’eutrophisation.

L’élaboration d’un récit commun sur l’eutrophisation de longue durée, qui tienne compte de la diversité des expériences et de leur reconnaissance publique, est un défi commun pour toutes les baies touchées et pour l’ensemble de la région. En effet, s’il semble incontournable de s’appuyer sur cet héritage pour améliorer la qualité du débat public, sa nature conflictuelle et dérogatoire est politiquement dissuasive. En outre, malgré leur grande pertinence politique et leurs propriétés explicatives, certains aspects qualitatifs et globaux des questions environnementales sont difficiles à saisir en utilisant les sous-systèmes et les variables classiques de description des dynamiques des socio-écosystèmes (identité sociale, mémoire, culture, attention, attachement aux lieux…). Leur logique peut être saisie davantage en construisant et en publicisant des récits qu’en objectivant des faits, sans prendre en compte leurs conditions d’énonciation.
L’élaboration de ces récits collectifs s’appuie sur des interactions continues avec les populations locales en utilisant des enquêtes ethnographiques et des expériences scientifiques créatives menées par l’équipe du WP1, telles que des conférences publiques de récits et de témoignages oraux et écrits, l’exploration collective de récits/contre-récits sur des événements significatifs et/ou controversés, et l’analyse picturale.